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Les buandiers de Rochefort en accusation sous le Second Empire

Alain Dalançon

Gilbert

Pendant près de 20 ans, les buandiers du faubourg furent l’objet de plaintes à cause des « miasmes délétères » exhalées par leurs eaux de lessive. Une affaire illustrant la peur des mauvaises odeurs au moment où la préservation de l’hygiène publique s’affirmait comme une des fonctions de l’Etat.

Le 31 mars 1862, par voie d’affiche, le maire de Rochefort invite ses administrés à manifester leur avis dans le cadre d’une enquête d’utilité publique de commodo et incommodo, concernant la demande d’autorisation d’exercer de cinq propriétaires de buanderies. En réalité ces buandiers exercent leur activité de blanchisseur depuis au moins deux décennies dans le faubourg. Mais les odeurs nauséabondes des eaux de lessive que leurs laveries rejettent chaque jour, sont objets de plaintes multiples des habitants depuis des années, ainsi que de réprimandes de la part des autorités . Ces plaintes ont été renouvelées à la fin de l’été 1861, cette fois sous forme de pétition émanant des habitants du faubourg et d’une nouvelle plainte du syndicat des propriétaires du marais ouest, qui craignent que leurs animaux ne soient malades en s’abreuvant dans les fossés où se perdent ces eaux insalubres. Le préfet de la Charente-Inférieure, s’appuyant également sur une demande pressante du Conseil général, a donc été conduit à mettre la Ville en demeure de prendre des mesures pour faire cesser cet état de fait intolérable, nuisible à la salubrité publique. Il exige d’abord que le maire vérifie que les entreprises en question répondent bien aux obligations concernant les buanderies, classées dans la 2e catégorie des établissements insalubres et dangereux, et que leurs exploitants demandent ou redemandent une autorisation d’exercer. Il enjoint aussi à la municipalité d’améliorer l’évacuation des eaux usées, notamment dans la Grand-rue du faubourg (actuelle rue Gambetta).

Les buanderies vont alimenter une véritable affaire locale, qui n’était toujours pas complètement réglée vingt ans plus tard. Grâce à plusieurs fonds d’archives , nous pouvons la reconstituer dans ses différentes dimensions. L’affaire illustre de multiples aspects de la question de l’hygiène au XIXème siècle. A la fois les représentations de l’opinion publique et des médecins et hommes de sciences ; les expérimentations du progrès technique dans le domaine du lavage et les interrogations qu’il suscite ; les conflits de pouvoir entre l’Etat, le département et un conseil municipal, pour régler un problème de police, au sens général du terme , dans un domaine où l’Etat « conservateur et instituteur de l’ordre social » trouve un nouveau terrain d’exercice, établissant de nouveaux rapports entre intérêts publics et intérêts privés .

(Roccafortis n° 42, septembre 2008,  p. 107-121)

Thèmes : professions, Second Empire

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